Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
6 février 2013 3 06 /02 /février /2013 08:49

Episode 3

 

Je me suis mis à l’anglais. Telle la grenouille qui voulait être aussi grosse que le bœuf de la fable de Lafontaine, Distrilap s’est mis à utiliser de plus en plus de termes anglais pour imiter les grosses compagnies. On a ainsi découvert la « Supply chain », les « Benchmarks » (au début j’ai cru que c’était le nom d’un client), les « e-learnings » et autres. Pour moi qui ait un niveau plutôt faible, j’aurais bien préféré les termes français, d’autant qu’ils existent. Je trouvais tout ça « amazing, but ridiculous ». Je tentais quelques termes anglais dans mes conversations pour être dans le coup, mais ils ne sonnaient pas comme les mots venus d’en haut. Mon chef me répondait sans cesse : « Hein ?! ». Sans doute l’accent. En tout cas, j’avais mon dictionnaire dans la poche, au cas où…

 

Chaque jour nous amenait de nouveaux changements dans nos méthodes de travail. Mon directeur, devant notre désarroi nous disait invariablement : «  faisons ça comme ils veulent, comme ça ils nous laisseront tranquilles ». J’ai compris très vite qu’ « ils » ne nous laisseraient jamais tranquille, car dés qu’on appliquait une consigne, une autre arrivait. Et ce quel que soit le service.

 

A présent que j’avais fait mon trou, j’arrivais à discuter avec tous mes collègues. Celui qui était à l’atelier pour monter les meubles m’a expliqué une de ces nouvelles procédures : il devait remplir une feuille pour signaler d’éventuels problèmes rencontrés sur un meuble, le signer et le ranger dans le dossier d’installation du client (dossier contenant en moyenne une trentaine de pages que personne ne relisait jamais). La feuille, heureusement contenait des petits symboles avec des visages souriants ou tristes, permettant à quelqu’un de mon niveau de bien comprendre la nature des questions posées. Une chose me chiffonnait. Si j’avais bien compris, un meuble pouvait arriver cassé ou mal monté chez le client. L’essentiel étant que cette fiche soit dument remplie, signée et transmise à qui de droit. En d’autres temps, il aurait fallu coute que coute que ledit meuble arrive impeccable et sans défauts chez le client…sans fiche à remplir. Mon collègue respectait à la lettre cette directive. Les meubles n’avaient jamais été aussi mal montés, mais les fiches étaient remplies et signées de sa plus belle écriture. Ce qui lui assurait la plus haute considération de son supérieur.

 

Auparavant, deux fois par an nous faisions un inventaire complet du magasin. Cela se passait invariablement un dimanche. Tout le monde y était, vendeurs inclus. Nous étions payés double et notre patron se fendait d’un repas pour chacun. Malgré le travail important, nous y gagnions en convivialité. Et à la fin du mois, le petit plus sur le salaire était bien apprécié. Distrilap est venu charger la mule des magasiniers, car l’inventaire est devenu quotidien. Tous les jours, en plus du rangement sur palette (voir épisode 2) et du service express, il fallait prendre un listing et aller pointer des articles. Ce qui enlevait une personne de l’effectif pendant deux à trois heures par jour, vu le bazar dans le stock. Plus aucune heure  supplémentaire, plus de repas, plus de prime. Les vendeurs sont retournés au chaud, vers d’autres « procédures »…

 

Hier, un tailleur est venu prendre nos mensurations pour de nouvelles tenues de travail. Nous allons avoir un superbe sur- pantalon rouge, de nouvelles polaires et un non moins magnifique gilet fluorescent jaune. Distrilap prend soin de nous. Curieusement, quand je parle des tenues hors du magasin, seul un ami les trouve jolies. Il travaille dans les travaux publics. Mes autres amis me répondent par un sourire ou je vois parfois de la moquerie. En y regardant bien, je trouve que ces tenues ressemblent beaucoup à celles de la DDE. A l’usage, elles vont s’avérer bien incommodes, mais je vous le raconterai la prochaine fois.

Partager cet article
Repost0

commentaires